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L’auberge

jeudi 24 avril 2014, par Silvestre Baudrillart

  • Il était de passage, il le savait déjà,
  • Dans le temps qui passait pour tenir ce qui passe,
  • Mais qu’a-t-on jamais pu saisir qui ne passât ?
  • Tout ce qu’il contemplait n’était pas à l’espace,
  • Et pourtant devant lui, tout l’espace était là.
  • Le lit de l’Éternel remplissait l’éphémère,
  • Sans cesse y demeurant sans jamais s’arrêter,
  • Il l’atteignait enfin, et voyait, projeté
  • De ce contre-courant fatal de la lumière,
  • Le jour du Sanctuaire où le Saint habitait.
  • Tant qu’il ne serait pas chargé d’intolérable,
  • Ni réduit au balbutiement de la douleur,
  • Pourrait-il sur le bord du cours inépuisable
  • Bâtir l’auberge qu’il rêvait, offrir sa table
  • Aux voyageurs perdus dans le vague et la peur ?
  • Tenir toute raison de ce jour de la grâce
  • Pour fonder sa maison sur des sables tremblants,
  • Mais affermis, scellés par l’Éternel qui passe ;
  • Et puis quand ce sera son heure, doucement
  • S’abîmer dans le même Éternel, sans angoisse…

Patrice de La Tour du Pin (1911-1975)