Accueil > Littérature > Anthologie > L > LA FONTAINE Jean de (1621-1695) > Le Chat, la Belette, et le petit Lapin
	
	
		
		

-  Du palais d’un jeune Lapin
-  Dame Belette un beau matin
-  S’empara ; c’est une rusée.
-  Le Maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
-  Elle porta chez lui ses pénates un jour
-  Qu’il était allé faire à l’Aurore sa cour,
-  Parmi le thym et la rosée.
-  Après qu’il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
-  Janot Lapin retourne aux souterrains séjours.
-  La Belette avait mis le nez à la fenêtre.
-  O Dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître ?
-  Dit l’animal chassé du paternel logis :
-  O là, Madame la Belette,
-  Que l’on déloge sans trompette,
-  Ou je vais avertir tous les rats du pays.
-  La Dame au nez pointu répondit que la terre
-  Etait au premier occupant.
-  C’était un beau sujet de guerre
-  Qu’un logis où lui-même il n’entrait qu’en rampant.
-  Et quand ce serait un Royaume
-  Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
-  En a pour toujours fait l’octroi
-  A Jean fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
-  Plutôt qu’à Paul, plutôt qu’à moi.
-  Jean Lapin allégua la coutume et l’usage.
-  Ce sont, dit-il, leurs lois qui m’ont de ce logis
-  Rendu maître et seigneur, et qui de père en fils,
-  L’ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
-  Le premier occupant est-ce une loi plus sage ?
-  - Or bien sans crier davantage,
-  Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.
-  C’était un chat vivant comme un dévot ermite,
-  Un chat faisant la chattemite,
-  Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
-  Arbitre expert sur tous les cas.
-  Jean Lapin pour juge l’agrée.
-  Les voilà tous deux arrivés
-  Devant sa majesté fourrée.
-  Grippeminaud leur dit : Mes enfants, approchez,
-  Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.
-  L’un et l’autre approcha ne craignant nulle chose.
-  Aussitôt qu’à portée il vit les contestants,
-  Grippeminaud le bon apôtre
-  Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
-  Mit les plaideurs d’accord en croquant l’un et l’autre.
-  Ceci ressemble fort aux débats qu’ont parfois
-  Les petits souverains se rapportants aux Rois.
-  Jean de La FONTAINE (1621-1695)
-  Fables, VII, 16