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Une pédagogie chrétienne

mardi 1er janvier 2019, par Silvestre Baudrillart

Intro : Pour une école qui se veut chrétienne, la pédagogie doit être imprégnée de christianisme. Or, existe-t-il une pédagogie chrétienne ? Quelles sont les caractéristiques qui peuvent rendre chrétienne une pédagogie ? Après avoir souligné la liberté, la créativité et la diversité des approches, nous nous centrerons sur les caractéristiques d’une pédagogie chrétienne : celle du Christ d’abord, puis nous nous arrêterons sur Don Bosco et saint Josémaria.

1. LIBERTÉ, CRÉATIVITÉ ET DIVERSITÉ
a) La « liberté des enfants de Dieu » (titre d’une homélie de saint Josémaria) : réalité évangélique profonde (« la vérité vous rendra libres » Jn 8, 32). Cette liberté d’options et d’opinions est une caractéristique du chrétien, qui a des choix personnels à assumer, avec un numérateur extrêmement large, alors même qu’il y a un dénominateur commun : le Credo, le catéchisme et la Sainte Écriture. Dans l’Opus Dei, partie de l’Église catholique, cette liberté est un bien, particulièrement souligné, comme étant une caractéristique de l’esprit laïc et séculier.
b) De ce fait, grande créativité et diversité : la pédagogie est un art, et ne saurait se réduire à une unique approche. Pas de rigidité, les situations sont diverses. Dans l’histoire de l’Église, cette liberté a donné lieu à de multiples innovations : St JB de la Salle, qui créa les classes par niveaux ; Maria Montessori, qui s’adapta aux plus petits et fonda une pédagogie de la responsabilité ; les jésuites avec le théâtre et le travail en équipe ; Madeleine Daniélou avec les systèmes d’auto-surveillance des examens et les réseaux d’anciennes ; Don Bosco, etc.

2. LA PÉDAGOGIE DU CHRIST
a) La place du maître
Jésus enseigne avec autorité. Mc 6, 2 : « Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. De nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient : D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? » Mais il transmet « ce qui lui a été dit par le Père » (Jn 8, 28).
b) Charité et intérêt pour tous
La charité est la première des vertus. Jésus répond à toutes les questions et s’occupe de tous, avec un regard de bienveillance et d’amour. Cela ne l’empêche pas de faire parfois un tri : « Qui m’a établi pour être votre juge et faire vos partages ? » (Lc 12, 14) répond-il à un homme qui lui demandait son avis sur son héritage.
c) Il sait reprendre et blâmer
« Êtes-vous donc sans intelligence, vous aussi ? » (Mc 7, 18) Après quoi il réexplique. Quand l’homme se comporte mal, Il agit avec une sainte colère, par exemple en chassant les marchands du Temple avec un fouet.
d) Un maître qui se donne et qui sert
Il lave les pieds des disciples : « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mc 10, 45)
e) Le maître doit montrer l’exemple
« Il commença par agir, puis il enseigna » (Actes 1, 1) au contraire des scribes qui « disent et ne font pas » (Mt 23, 2).

3. LES 9 MOTS-CLEFS DE DON BOSCO (d’après un livre de Jean-Marie Petitclerc)
a) Autorité, affectivité et respect
Aimer ses élèves avec le cœur, ce qui signifie aussi savoir les reprendre quand cela ne va pas. Le respect va dans les deux sens, c’est aussi un respect de l’élève.
b) Jeu, présence et prévention
Être tout le temps avec eux, ce qui permet d’éviter de n’être là que pour la sanction. Les accompagner en récréation pour pouvoir aussi freiner leurs initiatives. Comprendre qu’ils ont besoin d’un ballon pour jouer, et le leur fournir (plutôt usé). Ouvrir la cour et surveiller.
c) Confiance, douceur et médiation
Tout ne doit pas passer par la voie hiérarchique : si on peut laisser aux élèves un espace pour exprimer ce qu’ils ont à dire, leurs demandes ou leurs plaintes, cela permettra de les aider à grandir sans crainte.

4. LES 10 MOTS-CLEFS DE SAINT JOSÉMARIA
Il serait aventureux de parler de « pédagogie de saint Josémaria », car l’Opus Dei n’est pas lié aux écoles : les écoles sont nées vers 1960, et saint Josémaria a toujours dit que « l’Œuvre » n’était pas réductible à tel ou tel type de centre de formation. L’Opus Dei a pour but de diffuser l’appel à la sainteté dans la vie de tous les jours.
a) École de parents (d’abord les parents, ensuite les professeurs, enfin les élèves)
Les parents, premiers éducateurs, ont leur mot à dire. L’école ne sera jamais une pension, pour souligner la responsabilité des parents. Leur demander de jouer vraiment leur rôle, en les rencontrant et en les impliquant.
Les professeurs sont des acteurs fondamentaux, et leur autorité doit être épaulée par les parents.
b) Non-mixité ou éducation différenciée (liée aux différences de maturité garçons-filles)
La non-mixité des élèves est une attention plus forte portée aux différences naturelles. À l’âge de l’école, les particularismes se forment, et même dans les écoles mixtes, garçons et filles sont souvent séparés en récréation.
c) Confiance et liberté (sans angélisme)
Faire confiance à la capacité d’initiative et d’organisation des élèves, tout en les responsabilisant par de petites charges.
L’angélisme consisterait à prendre les élèves pour des enfants parfaits, idéalement éduqués : cette éducation est en grande partie à faire, et nous devons les conduire, mais à travers des limites bien définies.
d) Autorité et amitié (en gardant une distance)
Le professeur est un adulte, qui a l’autorité ; cela se marque par le respect, le vouvoiement, l’obéissance. Cela n’empêche pas l’affection, à l’image de ce qui se passe dans la famille. La distance doit aussi être physique : ne pas se permettre de gestes trop enveloppants, ou de situations d’intimité gênantes : hublots pour le préceptorat.
e) Préceptorat
Le préceptorat est un accompagnement personnalisé qui aide l’enfant à grandir et à individualiser la formation reçue. Par son caractère de conversation avec un adulte tiers, il encourage la sincérité et aide à progresser. Dans chaque séance de préceptorat, aider l’élève à se fixer un objectif, notamment sur la vertu du mois.
Il est bon que le précepteur rencontre les parents et leur conseille de parler, eux aussi, avec leur enfant.
f) Éducation par les vertus
Les vertus (justice, force d’âme, sincérité, tempérance, patience, application, ordre, persévérance, honnêteté) sont de bonnes dispositions de l’âme, qui renforcent la volonté, affermissent le caractère et rendent plus facile le chemin vers le bien. Elles supposent une lutte personnelle : se fixer un objectif, le tenir sur la durée. Chaque vertu est une victoire. Le fruit de chaque vertu est la joie.
g) Optimisme et bienveillance
Un élève n’est jamais complètement nul ou catastrophiquement inadapté. Il a des qualités, qui doivent trouver le bon terreau pour éclore. Il doit aussi combattre ses défauts, mais c’est en lui qu’il doit en trouver la force. La bienveillance consiste à le voir sous un jour positif et à lui proposer des pistes d’amélioration. Chaque élève est le bien-aimé de Dieu, l’image terrestre de Jésus-Christ : « tout ce que vous avez fait aux plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).
Un élève peut néanmoins n’être pas adapté à notre école, ou n’avoir pas le niveau. Une certaine homogénéité et une certaine sérénité sont nécessaires dans une classe. Un élève qui est insolent ou qui a trop « pris ses aises » vis-à-vis d’un certain nombre de professeurs peut aussi troubler l’image de l’autorité dans la vie de l’établissement.
h) Ouverture à tous (pour mieux offrir la foi, dans le respect de la liberté)
L’école n’est pas réservée à un certain type de familles : tous peuvent venir, pourvu qu’ils soient d’accord avec nos fondamentaux. Il est évident d’autre part que s’il y a trop d’élèves non-chrétiens, ou de familles peu pratiquantes, l’effet obtenu est néfaste pour la transmission de la foi, qui reste centrale.
i) Identité chrétienne forte
L’école est chrétienne, ce qui suppose que les professeurs non-chrétiens ne manifestent pas leurs différences dans leur enseignement. Les prières du matin et de midi ont lieu quel que soit le professeur, ou la situation.
j) Professionnalisme
La spiritualité de l’Opus Dei est centrée sur la sanctification de la vie ordinaire, dont le travail est l’un des axes fondamentaux. Or, si on travaille pour Dieu et en sa présence, comment bâcler cette occupation ? Il faut au contraire offrir à Dieu un travail bien fait, le mieux réalisé possible. Continuer à se former, savoir remettre en question ses méthodes et le contenu de son cours. Se moderniser, s’adapter à l’environnement numérique, utiliser École Directe pour l’agenda, se soumettre aux demandes légitimes de l’État qui est notre employeur…

EN CONCLUSION : PRIÈRE, BON SENS ET FOI CHRÉTIENNE
La liberté pédagogique n’empêche pas qu’une certaine homogénéité soit nécessaire dans un établissement, dans une équipe donnée. Et au quotidien, il ne suffit pas de savoir se débrouiller : il faut communiquer, travailler transversalement sur les élèves, savoir ce qui se passe. Ces réunions de formation sont donc fondamentales.
Mais une bonne pédagogie chrétienne doit aussi se fonder sur une vraie vie de prière : l’adoration du Saint-Sacrement, présent dans les deux sites : le saluer en arrivant et en partant, venir prier parfois ; la Messe ; le chapelet, que l’on peut pratiquer en surveillance ; les récollections et d’autres moyens de formation (cercles pour professeurs) ; et la présence de Dieu en classe, aidée par les crucifix et les images de la Vierge.