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Dyslexie : conseils aux enseignants

dimanche 29 juin 2014

• La personne dyslexique n’applique jamais les règles de lecture, les conjugaisons, la grammaire et l’usage selon notre mode de pensée : assurez-vous qu’elle connaît ces règles, et encouragez-la à trouver comment elle pourrait les appliquer. Notre mode d’application des règles du français constitue l’épreuve la plus difficile et la plus humiliante pour le dyslexique qui ne peut adhérer à notre système d’analyse dans ce domaine. Par exemple, vous lui expliquez la règle qui régit l’accord de l’adjectif avec le nom. Il la comprend, vous la récite à maintes reprises sans erreur, mais va cependant être « incapable » d’accorder l’adjectif qu’il a devant lui avec le nom. Dans la phrase « les chevaux sont verts », il peut écrire l’adjectif vert, verrent, vers ou de bien d’autres façons encore, sa créativité dans ce domaine étant illimitée. Il n’accède aucunement au principe selon lequel l’adjectif s’accorde avec le nom, même s’il en accepte la règle de bonne grâce. Tout se joue pour lui ailleurs, différemment. C’est pourquoi nous insistons sur l’urgence d’accepter ce mode différent d’apprentissage peu commun et de trouver des solutions adaptées. Il arrivera alors sans difficulté à accorder les adjectifs avec les noms, mais en passant par une logique subtile, qui nous échappe dans la plupart des cas si nous ne nous sommes pas penchés sur cette autre grille de lecture et d’analyse.

• Le dyslexique doit être encouragé, certes, mais il a besoin, comme les autres enfants, d’être noté, de pouvoir se mesurer à une norme, d’avoir des repères. Le mieux est de comparer ses résultats du moment à ceux qu’il avait précédemment.

• Copier ou recopier des, leçons, des textes, des mots doit être évité dans la mesure où cela handicape et épuise terriblement ces enfants tant qu’ils ne sont pas rééduqués.

• Il est bon de s’assurer qu’il fait bien les devoirs notés sur son cahier car, arrivé chez lui, malgré tous ses efforts, il sera dans l’incapacité de retrouver le travail qui lui est demandé (il notera une page erronée pour les exercices à faire dans le livre de mathématiques, Il confondra le cahier avec le livre, il se trompera de date pour la poésie, ne retrouvera pas l’extrait à apprendre...).

• Lui lire l’énoncé des problèmes en mathématiques peut lui permettre de les résoudre car, souvent, il ne le comprend pas ou l’interprète mal, ayant du mal à le déchiffrer.

• Lui donner des responsabilités en classe porte souvent ses fruits : délégué de classe (c’est une charge qu’il affectionne particulièrement), service tableau, teneur de porte, organisateur, chef de la discipline...

• L’encourager à lire et à écrire, même s’il fait beaucoup de fautes ; éviter de dire les notes à voix haute, surtout lorsqu’il avoisine les plus basses.

• Expliquer à toute la classe qu’il est dyslexique, comme certains sont myopes par exemple, en soulignant les qualités — souvent oubliées — particulières à ces enfants : une facilité pour le langage oral, un sens de l’organisation dans l’espace très riche, une notion du temps originale, une bonne intuition, une vision du monde à 360 degrés, une approche de la vie très créative... Ce conseil provoque des crises d’angoisse chez nos petits patients car ils ont très peur que « tout le monde sache ». Pourtant c’est une solution à de nombreuses incompréhensions, qui prévient bien des moqueries et renforce les liens entre les élèves ; d’autres dyslexiques révéleront peut-être ainsi leur identité et il ne se sentira plus isolé.

Le dyslexique est malheureux en français, mais pas seulement : il n’est pas rare que les maîtres et professeurs soient féroces pour l’orthographe quelle que soit la discipline : les sciences, l’histoire, la géographie, les maths, l’éducation civique ; le dyslexique n’est épargné que dans les matières artistiques, en éducation physique et sportive, et parfois en technologie. Cette pratique fait penser à un système pénalisant un paraplégique parce qu’il ne peut courir en gymnastique ou qu’il ne se déplace pas assez vite à l’intérieur de l’établissement...

« Vive la Dyslexie ! » par Béatrice Sauvageot et J. Métellus, 2002