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The War against Boys, par Christina Hoff Sommers

mardi 25 octobre 2011, par Silvestre Baudrillart

THE WAR AGAINST BOYS Résumé du livre de Christina Hoff Sommers, éd. Simon & Schuster, 2000

1) Où en sont les garçons

En 1990, Carol Gilligan, professeur d’étude des genres (professor of gender studies) à Harvard, faisait paraître une étude qui dénonçait la crise des adolescentes américaines : à partir de 12 ans, elles étaient victimes de leur faible estime de soi, de l’absence d’encouragements de la part du monde des adultes, et d’une sous-évaluation de la part des professeurs. Cette étude était largement erronée : les filles ne semblent pas plus victimes que les garçons de cette crise de confiance, qui est d’ailleurs de faible ampleur.

Cette étude eut un fort retentissement dans le monde des féministes et enseignants américains, et fut puissamment relayée par les médias. Les professeurs s’efforcèrent de rendre la confiance aux filles, oppressées par l’avantage que la « société patriarcale » accordait insidieusement aux garçons.

En 1990, les filles n’étaient plus du tout ce que cette étude, menée avec peu de sérieux, prétendait. La réalité est tout autre, ainsi que les tendances de la société américaine (on peut en dire autant en Angleterre et en Australie, où des études assez sérieuses ont été menées).

D’une part, les garçons sont passés de l’égalité d’admission aux examens en 1984, à une infériorité par-rapport aux filles. Pour prendre un prestigieux examen, l’Advanced Placement (AP, tableau p. 24), qui connaissait un rapport de 50/50 en 1984, en est à 117 garçons contre 144 filles admis (sur 1000 candidats). Il y a également légèrement plus de femmes que d’hommes à remporter les épreuves de maths et de sciences.

Une des mesures de l’estime de soi est la participation des filles aux activités extra-universitaires : clubs universitaires, journaux, sociétés honorables, comités d’étudiants. Dans ce domaine, les filles sont largement plus nombreuses : en 2000, 8 millions de filles contre 7 millions de garçons ; et la projection tendancielle, pour 2007, était de 9 millions contre 7...).

On évalue aussi l’engagement scolaire par une variable, parfois appelée « variable d’enthousiasme », et qui répond à deux questions très concrètes :
—  Combien de temps les étudiants passent-ils à leur travail personnel chaque soir ?
—  Les étudiants arrivent-ils en cours en étant prêts à apprendre ? (Ont-ils leurs livres et leurs stylos ? Ont-ils fait tout leur travail ?)

En 1994, c’étaient les filles qui, tout âge, passaient plus de temps à leur travail personnel que les garçons. Le pourcentage des garçons qui ne faisaient pas du tout leur travail du soir était trois fois supérieur à celui des filles qui étaient dans ce même cas de figure...
- 4% des filles venaient à l’école sans aucun livre, contre 7% des garçons.
- 6% des filles venaient en classe sans papiers, crayon ou stylo, contre 14% des garçons.
- 13% des filles venaient en classe sans avoir terminé leur travail, contre 21% des garçons.

La conclusion qu’on peut en tirer est un faible enthousiasme des garçons pour le monde scolaire, et une faible envie de réussir.

Les chiffres d’admission dans l’enseignement supérieur sont encore plus parlants, puisqu’ils concernent la totalité de la population étudiante américaine : en 1996, 8,4 millions de femmes contre 6,7 millions d’hommes. L’écart va croissant, et il est inquiétant, dans un monde où l’accès à l’université détermine largement l’ascension sociale.

En fin de compte, une étude de 1990, plus sérieuse que celle de Mme Gilligan, montre que les filles n’avaient pas du tout de crise d’estime de soi (tableau p. 42). Au contraire, elles se jugeaient bien considérées à l’école ; ce sont les garçons qui avaient l’impression de n’être pas écoutés, d’être plus souvent punis et moins souvent interrogés et complimentés. Qu’on interroge filles ou garçons, les chiffres vont dans le même sens, et permettent de conclure à une nette crise de confiance... des garçons !

2) Rééduquer les garçons de notre pays

La Ms. Foundation for Women, une association féministe, a introduit vers 1991 le « Work Day », une journée de vacances réservée aux filles, sur la base du volontariat. Sous la pression des parents, elle a proposé en 1996 une journée équivalente pour les garçons ; mais cette journée de « vacances » devait avoir lieu un dimanche, et en outre, il était demandé aux garçons de faire, ce jour-là, le ménage et la cuisine... Le projet a avorté.

Cette volonté de rééduquer les garçons était fondée, semble-t-il, sur les chiffres de la violence exercée par les hommes contre les femmes – chiffres exagérément gonflés. Certaines brochures distribuées aux écoles, comme par exemple Quit it !, proposent de transformer les jeux de poursuite qui plaisent aux garçons, comme le chat, en des jeux qui poussent à la solidarité, où il s’agit de lutter contre le chat par la méthode du « cercle d’amis ».

La crainte des poursuites judiciaires pour harcèlement sexuel pousse certaines écoles à renvoyer des enfants pour des motifs bénins ou disproportionnés.

En réalité, les hommes sont effectivement plus agressifs que les femmes, mais il est triste de confondre dans la même critique les garçons normaux et les délinquants. Les problèmes de violence à l’école, d’autre part, n’ont souvent que peu à voir avec le harcèlement sexuel. Les enfants sont durs entre eux et ont besoin d’un solide encadrement moral. Ce sont parfois des filles qui s’attaquent à d’autres filles avec des formules à connotation sexuelle, qui sont ensuite reprises par les garçons.

3) Garçonnets et poupées

Wellesley College, un centre de recherche sur les femmes, proposait en 1998 d’apprendre aux garçons à jouer à la poupée, pour les rendre plus attentifs aux autres... C’est une application de la « théorie du genre », selon laquelle la masculinité et la féminité sont des préjugés sociaux. En réalité, un n° spécial de Scientific American (été 1999, p. 26) montre au contraire l’importance des hormones sexuelles, y compris dans les jeux des enfants du premier âge, à partir de recherches menées en comparant des populations humaines et animales (singes).

Peut-on faire jouer les garçons à la poupée ? Certaines institutrices essaient de « féminiser » au maximum leur enseignement, quitte à marginaliser les garçons, à leur faire broder des kilts et à jouer le rôle d’héroïnes féminines.

Les garçons et les filles sont pourtant intellectuellement différents. Les garçons ont un meilleur raisonnement spatial que les filles ; ces dernières, en revanche, ont de meilleures capacités verbales. Dans les jeux, les garçons préfèrent le mouvement, les objets, alors que les filles aiment les poupées et les jeux sentimentaux. Certaines filles pourtant, qui ont été exposée à des quantités anormales d’adrénaline (syndrome d’hyperplasie adrénale congénitale), préfèrent les jeux de type « masculin » : ce qui confirme l’origine biologique de ces comportements.

Certaines recherches ne sont pas « politiquement correctes ». Par exemple, prouver par l’imagerie neuronale que la femme utilise les cerveaux droits et gauche pour les capacités verbales, alors que l’homme n’utilise que le cerveau droit (Shaywitz, revue Nature, n° 373, pp. 607-609, 1995). Effectivement, dans le passé, les scientifiques s’étaient appuyés sur les différences homme-femme (par exemple, la taille du cerveau) pour « étayer » la domination de l’homme sur des bases pseudo-objectives. Mais ce danger n’existe plus, et le danger actuel est de nier tout différence objective entre les deux sexes, au grand dommage des garçons. L’égalité n’est pas l’identité. Il y a des professions qui se féminisent très peu, simplement parce qu’elles ne plaisent pas à la plupart des femmes : la Nature est difficile à tromper. Courir, sauter, jouer à se battre sont des activités qui contribuent à socialiser les enfants, et en particulier les garçons : c’est une erreur de les prohiber.

L’institutrice Vivian Paley, en 1984, avait bien vu cette différence, dans les utilisations que ses élèves garçons et filles faisaient de la « salle des cabrioles » (voir l’article). Cette volonté de féminiser les garçons dépasse largement l’égalité telle que la conçoivent les féministes de bon sens.

4) Carol Gilligan et l’incroyable abaissement des filles

Il existe, d’après certains chercheurs, une « science pathologique » : celle qui est occasionnée par des rumeurs et des angoisses collectives sur des effets illusoires. Parfois, ce sont des journalistes qui se font l’écho de ces rumeurs alarmistes, comme celle qui faisait craindre les effets négatifs sur la santé du voisinage de lignes à haute tension. C’est manifestement à ce type de « science » qu’appartiennent les pseudo-recherches de Carol Gilligan sur la crise de l’estime de soi des filles.

Ces recherches portent sur des populations très réduites : parfois 8 individus. Les réponses aux questions qui leur sont posées sont largement interprétées selon des clés arbitraires. Il n’y a jamais de contre-recherches ni de comparaisons garçons-filles ; les études ne sont jamais contrôlées par des chercheurs indépendants, ni même publiées. Enfin, elles ont souvent partie liée avec l’activisme féministe, comme le montre l’étroit rapport entre Carol Gilligan et le « Work Day » des filles. D’autres chercheurs, à partir de bases plus larges et représentatives, ont montré que les filles n’avaient pas, en réalité, ce manque d’estime de soi.

5) L’île de Gilligan

En 1995, Gilligan s’est tournée vers le monde des garçons, pour dénoncer un traumatisme qui, selon elle, se produirait entre 2 et 5 ans : à cet âge, on forcerait le garçon à se « masculiniser » et à intégrer les valeurs de la « société patriarcale », en le poussant à se séparer de sa mère et du modèle féminin. Ils se priveraient ainsi de leur propension native à l’empathie et à la tendresse. Les valeurs « masculines » : héroïsme, honneur, guerre, compétition, sont celles du guerrier et du capitaliste. Pour bien faire, il faudrait, selon elle, éviter que les garçons soient ainsi séparés de leur mère.

En réalité, les études portant sur la population carcérale tendent à montrer que les garçons en difficulté sont ceux qui sont élevés par des mères seules : c’est la séparation du père qui est en cause, car ces enfants, n’ayant plus de modèle paternel, cherchent leur modèle masculin dans les bandes.

La prétendue insensibilité des garçons ne tient pas non plus debout. Les garçons ne sont pas insensibles, ils ont une sensibilité masculine ; l’humanité, la loyauté, la compassion ne leur sont pas étrangères.

Quant à la critique des « valeurs militaires », elle ne résiste pas à une bonne connaissance des idéaux véhiculés par le monde militaire : la camaraderie, la coopération, le sacrifice, ainsi que l’initiative individuelle, l’inventivité et la responsabilité.

6) Sauvez les hommes

Une étude du Dr Pollack, en 1994, concluait à un véritable problème psychologique chez les garçons, lié aux « mythes de la masculinité ». En fait, cette étude n’avait de scientifique que la prétention, et d’autres recherches de la même période mènent à des résultats très différents. Ces prétendues « crises » touchant des populations apparemment saines permettent d’atteindre facilement des chiffres élevés de vente de livres.

La solution proposée par Pollack et d’autres psycho-sociologues serait de pousser les garçons à exprimer davantage leurs sentiments, à libérer leurs émotions. Or rien ne prouve que ce type d’éducation soit bienfaisant. Depuis des siècles, la plupart des religions et nombre d’éducateurs expérimentés ont poussé, au contraire, à maîtriser ses émotions. De nombreux problèmes de comportement juvénile naissent, au contraire, de cette libération émotionnelle.

Au lieu de proposer aux jeunes une formation morale, dans bien des écoles, on leur propose une thérapie ; sans se rendre compte que cette méthode, en réalité, est bien plus gênante pour l’intimité. Les garçons doivent être sauvés, non de leur image masculine, mais de leurs difficultés scolaires, en particulier dans la lecture et l’écriture.

7) Pourquoi Johnny ne peut pas, lui aussi, lire et écrire

La pédagogie en vogue, dite « pédagogie progressive », n’est pas bonne pour les garçons. Elle est trop centrée sur l’enfant plutôt que sur le maître ; elle néglige l’apprentissage, les règles de base, la discipline et la compétitivité.

Au Royaume-Uni, un conseil de professeurs recommandait en 1988, dans le livret « Can Boys Do Better ? », les pratiques suivantes pour les garçons :
—  Implication plus grande du professeur dans le travail ;
—  Un environnement structuré ;
—  Des objectifs élevés ;
—  Contrôle strict du travail à la maison ;
—  Sanctions constamment appliquées si le travail n’est pas fait ;
—  Plus grande insistance sur le silence dans le travail ;
—  Des tests fréquents ;
—  Des classes non-mixtes.

En Angleterre, un cours de retour aux bases appelé « l’Heure littéraire » a été créé en 1998 par le ministre David Blunkett, dans les classes primaires. Ce cours était réservé aux garçons, et avait pour but de combler le « literacy gender gap », le décalage garçons-filles dans les matières littéraires. Il fut un succès : les garçons bons lecteurs ont passés de 64 à 78% en une année.

Aux États-Unis, au contraire, on tend à développer l’enseignement progressif, à supprimer toute trace de classement dans les écoles, et même à considérer les activités pour garçons comme anti-constitutionnelles.

Cependant, il existe des écoles américaines qui ont expérimenté avec succès les classes non-mixtes. Par exemple, Harford Heights à Baltimore, Maryland. Les cours pour garçons ont des professeurs exclusivement hommes ; on y apprend la prononciation, la grammaire et la diction. Les exemples choisis en maths sont les statistiques du base-ball. L’éducation physique est le lieu d’apprentissage du caractère, à travers l’esprit sportif. Les classes sont divisées en équipes, avec un système de points. L’uniforme scolaire est encouragé. Les garçons, souvent d’origine afro-américaine, conquièrent la confiance en eux-mêmes par l’acquisition de connaissances et de compétences. Ils apprennent les bonnes manières. Le résultat est un profond « engagement scolaire » : ils s’en voudraient de manquer un seul jour de classe.

A Washington, The Heights School, un établissement catholique indépendant pour garçons, situé dans un parc boisé, présente des caractéristiques proches : tous les professeurs sont des hommes (« Les hommes ont plus d’autorité sur les garçons »), mais l’enseignement n’a rien de « macho » : ils apprennent des poèmes, ont des collections d’insectes et ont des cours hebdomadaires de peinture et de dessin. Si ces matières sont enseignées par des hommes, les élèves n’ont pas peur d’y perdre leur masculinité.

Landon School, dans la même région, est un autre établissement pour garçons, où l’on trouve également un fort engagement des élèves dans les matières artistiques. On y enseigne également les vertus de « l’honnête homme », en reliant le mot « vertu » à sa racine latine, « virtus », qui signifie proprement « caractère masculin ».

Il n’empêche que l’enseignement d’Etat pour garçons a été condamné par la Cour Suprême, alors que l’enseignement « pour filles » est encouragé, comme une compensation aux anciennes inégalités... Dans ce domaine, la Californie en 1996, en allouant des subventions à la création d’écoles non-mixtes pour garçons comme pour filles, est tout de même une notable exception.

8) La vie morale des garçons

Les garçons sont en moyenne plus agressifs que les filles. L’éducation n’aurait-elle pas, finalement, pour but de civiliser les jeunes « barbares » qu’amène nécessairement avec elle chaque nouvelle génération ? C’est pour avoir oublié cette vérité simple que l’Amérique a connu récemment de si nombreuses fusillades scolaires. A la racine des derniers massacres de cours de récréation, on trouve des jeunes dont le comportement asocial, parfaitement remarqué, n’avait jamais été sanctionné. Ce ne sont pas des garçons « sans père », mais ce sont des garçons pour lesquels aucun adulte n’a jamais joué le rôle moral de l’éducateur. Ils ont souvent u des thérapies, participé à des tables rondes ; ils n’ont pas de problème d’estime d’eux-mêmes, mais un problème d’absence de valeurs morales et de contrôle de leurs pulsions.

Voici 2400 ans, Aristote avait proposé aux jeunes un programme d’éducation fondé sur l’acquisition des « vertus » : ces bonnes habitudes qui conduisent au bien. Saint Augustin, 800 ans plus tard, avait lui aussi considéré qu’il fallait « réparer » la nature humaine abîmée par le péché originel. L’éducation qu’ils prônaient passait par un entraînement à un contrôle émotionnel et à un comportement discipliné. Pour aider l’enfant à bien intégrer le comportement, des punitions pouvaient être nécessaires ; la compréhension des bienfaits de la vie morale venait peu à peu. Cela n’impliquait pas d’agir contre nature, mais de renforcer la nature par de bonnes habitudes.

Les théories de Rousseau ont une base inverse : l’homme est bon par nature, c’est la société qui le corrompt. Loin d’acquérir de bonnes habitudes, l’enfant doit « n’en contracter aucune ». Les théories de Rousseau ont connu et connaissent toujours un grand succès. Le contre-exemple en est le livre de William Golding, Sa Majesté des mouches, qui montre à quoi peut conduire une enfance livrée à elle-même.

L’éducation victorienne voulait inculquer aux enfants les vertus du gentleman : honnêteté, intégrité, courage, décence, politesse. Ces vertus sont un facteur de vraie démocratie, car elles permettent d’atteindre une véritable égalité morale. Dans plusieurs établissements américains ont été instaurés récemment des règlements stricts, qui ont fait grandement baisser la violence des jeunes.

EN QUOI CE LIVRE NOUS EST-IL UTILE ?

Ce livre nous concerne, car le décalage littéraire entre garçons et filles est un phénomène universel, lié à la structure biologique du cerveau. Il a été constaté en de nombreux pays, et a des conséquences dramatiques sur le comportement des garçons dans une scolarité mixte : la prédominance des filles conduit les garçons, à un âge où ils sont en recherche de leur identité sexuelle, à identifier le succès scolaire avec la condition féminine.

D’autre part, les études pseudo-scientifiques de Carol Gilligan et de ses émules ont eu un retentissement de notre côté de l’Atlantique : il est important de faire savoir que les filles ne souffrent pas de cette crise d’estime de soi, et que les garçons de 2 à 5 ans ne souffrent pas spécifiquement de leur intégration à la « société patriarcale ».

Enfin nous voyons, par les expériences anglaises, les effets positifs d’une scolarité non-mixte, en particulier pour les garçons : dans quelles conditions une scolarité pour garçons pourra être efficace.

Silvestre Baudrillart

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