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La sainteté, une vocation pour tous

lundi 24 octobre 2011, par Silvestre Baudrillart

« Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). L’appel du Christ, dans son exigence presque déraisonnable, a retenti un jour à l’oreille de Pierre, de Jean et des autres Apôtres. Il nous parvient après vingt siècles : l’avons-nous compris ?

L’imitation de Dieu

Qu’est-ce que la sainteté ? Le mot ne doit pas être édulcoré. Au sens strict, Dieu seul est « saint », c’est-à-dire sacré, séparé du monde. De même, Dieu seul « est ». Mais chacun d’entre nous « est », aussi, de façon analogue et par participation à l’être de Dieu.

C’est Dieu qui, en nous créant, nous communique son « être ». C’est également Lui qui, en nous donnant la grâce, nous fait participer, de quelque manière, à sa sainteté. Pour être saint, il faut participer à la sainteté de Dieu, rayonner de Sa lumière : L’imiter.

Mais pour imiter Dieu, il nous faudrait Le voir ! C’est le sens de la demande de l’apôtre Philippe : « Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. » Et le Christ lui répond : « Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ? Qui m’a vu, a vu le Père » (Jn 14, 8-9) C’est un des sens que nous pouvons donner à l’Incarnation : Dieu se montre à nous pour que nous ayons un modèle à imiter. Les auteurs spirituels l’ont compris depuis fort longtemps, eux qui ont caractérisé la sainteté comme une « imitation de Jésus-Christ. »

Une histoire d’amour

Mais en quoi pouvons-nous imiter Jésus ? Ses miracles, sa prédication, sa mort sur la Croix ne sont pas imitables. A cet égard, Sa vie est unique. Mais « Dieu est Amour ». Jésus s’est livré à la mort par amour pour nous. C’est l’amour qui sera le point focal de notre « imitation de Jésus-Christ ». « Ama, et fac quod vis : Aime, et fais ce que tu veux », disait saint Augustin. Cette petite phrase veut-elle dire que l’on peut faire n’importe quoi ? Mais celui qui aime Jésus, ne voudra-t-il pas faire Sa volonté ?

La sainteté est une histoire d’amour avec Dieu. C’est le Cantique des Cantiques : « Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui » (Ct 2, 16). La sainteté est un amour-passion, une alliance, un don total. La vocation, l’appel à la sainteté, est une déclaration d’amour que Dieu adresse à chaque homme. A cet appel, la réponse est aussi un chant d’amour.
L’amitié avec Dieu est enfin l’autre nom de la grâce sanctifiante : une aide constante du Père. Sans Lui, aucune sainteté n’est possible. On interrogeait Jeanne d’Arc lors de son procès : « Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu ? — Si je n’y suis, Dieu m’y mette. Et si j’y suis, Dieu m’y garde ! Je serais la plus malheureuse du monde, si je savais ne pas être en la grâce de Dieu ! Je m’en remets à Dieu de tout. » La sainteté est Don de Dieu, qu’Il accorde à qui Il veut.

Une lutte pour acquérir les vertus

De manière mystérieuse et pourtant certaine, le Don de Dieu ne « suffit » pas. Il y faut aussi la coopération de l’homme. « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15, 14). La sainteté est donc aussi une lutte pour les vertus. Jésus est « Dieu parfait et Homme parfait » (Concile de Francfort, Can. 613) : la sainteté, c’est cette perfection dans les vertus, humaines et surnaturelles, que l’on cherche à acquérir avec l’aide de Dieu. C’est pourquoi, au début des procès en canonisation, on s’efforce de montrer que le candidat à la sainteté a vécu « héroïquement » toutes les vertus. Héroïquement, c’est-à-dire jusqu’à l’extrême de ses forces.

En ce sens, il y a, même dans la vie d’un saint, ou d’une personne qui cherche à l’être, des victoires et des défaites : parfois on gagne, parfois on échoue. Quand nous avons péché, la contrition doit jaillir immédiatement, comme le sang vient à la blessure. Et avec elle, la confession sincère, et la résolution brûlante de ne plus pécher.
Difficile définition de la sainteté chrétienne ! S’efforcer de faire, toujours et en tout, avec l’aide de sa grâce et par amour, la Volonté de Dieu.

Cet appel est-il « pour tous » ?

Dieu n’a-t-Il pas ses saints, ses élus comptés à l’avance, les cent quarante-quatre mille dont parle l’Apocalypse (Ap 7, 4) ? Chiffre symbolique d’une multitude débordante : douze fois douze mille. Dans cette surabondance, il y a de la place pour tous ; toutefois, tous ne feront pas partie des élus, puisqu’il y aura aussi des réprouvés (Mt 25, 46). Le baptême est cette première et définitive consécration, qui nous fait entrer dans cette famille des « saints », comme les premiers chrétiens aimaient à s’appeler mutuellement.

Vatican II a rappelé cet appel universel à la sainteté : « Il est donc clair pour tous que chacun des fidèles, peu importe son état ou son rang, est appelé à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité » (Lumen Gentium, V, 40). Comme il est regrettable qu’après la ferveur des premiers chrétiens, la vigueur de cet appel du Christ ait été presque oubliée ! Pendant des siècles, seule une poignée de personnes a cru pouvoir postuler à l’excellence de la sainteté, comme à un concours réservé à une élite !

C’est pourtant une élite, et une excellence… C’est bien là le mystère : l’appel est universel, l’excellence est destinée à tous. La sainteté est ouverte « démocratiquement » à chacun, mais elle n’en est pas plus facile. « Paradoxe : la sainteté est plus accessible que la science, mais il est plus facile d’être savant que saint » (St Josémaria, Chemin, 282).
Ne serait-ce pas de l’orgueil, de la témérité, de la présomption ? Moi, toi, nous tous… être saints ? Mais non : c’est un appel, une grâce, un don de Dieu. Et même, c’est une obligation, un engagement de notre baptême. « Tous les fidèles sont donc invités — et même tenus — à rechercher la sainteté et la perfection de leur état » (Lumen Gentium, V, 42).

On peut donc être saint dans la vie ordinaire : dans le mariage et la famille ; dans le travail ; dans les petites choses de chaque jour. Un jeune étudiant, qui avait un grand désir de s’engager pour le bien de l’humanité, se présenta un jour à saint François de Sales et lui demanda : « Que puis-je faire pour la paix du monde ? » Son interlocuteur lui répondit en souriant : « Ne claque pas la porte si fortement !… »

Comment parvenir à la sainteté ?

La sainteté est multiforme. « Dans la maison de mon père, il y a beaucoup de demeures » (Jn 14, 2). Et il y a autant de façons d’imiter le Christ que de personnalités, puisque « la grâce ne détruit pas la nature, mais la perfectionne » (St Thomas d’Aquin). Et pourtant, on peut ranger les moyens de sainteté en quatre catégories : les sacrements, la formation, l’unité de vie et l’apostolat.

Les sacrements sont les sources mêmes de la grâce. Le baptême purifie et sanctifie ; la Confirmation met le baptisé debout. Une place particulière est réservée à l’Eucharistie et à la Confession.

L’Eucharistie, parce qu’elle nous donne l’Auteur de la grâce. Pour qui veut réellement être saint, elle doit être reçue chaque jour, si possible. « Devenez ce que vous recevez, » dit un beau chant : c’est par le Christ que l’on s’assimile au Christ. Participer à la sainte Messe et communier chaque jour, c’est déjà un vrai programme de sainteté. C’est aussi s’intégrer à la vie liturgique de l’Église qui est, selon la belle expression de Bossuet, « le Christ répandu et communiqué. »

La confession fréquente est un autre moyen privilégié. « La confession des fautes quotidiennes (péchés véniels) est vivement recommandée par l’Église. En effet, (elle) nous aide à former notre conscience, à lutter contre nos penchants mauvais, à nous laisser guérir par le Christ, à progresser dans la vie de l’Esprit » (Catéchisme de l’Eglise catholique, 1458).

Autre moyen de sainteté : la formation. C’est une manière humaine d’apprendre à être plus efficace. La prière, la direction spirituelle sont des moyens de formation très directs ; les cours de formation chrétienne, la lecture d’un livre de spiritualité, d’un texte du Saint-Père…

L’unité de vie : notre vie tout entière doit se construire autour de notre foi. « Veux-tu vraiment être saint ? — Remplis le petit devoir de chaque instant : fais ce que tu dois et sois à ce que tu fais. » (St Josémaria, Chemin, 815). Notre travail, les contrariétés que nous subissons, les vertus à acquérir… Avec la pensée de cette unité, centrée sur la filiation divine, nous éviterons le piétisme ; nous ne risquerons pas de séparer artificiellement les divers domaines de notre vie, pour n’en donner à Dieu qu’une petite part.

Enfin l’apostolat, l’évangélisation, est à la fois conséquence et moyen de sainteté. Celui qui s’efforce d’être saint sera apôtre par surabondance de sa vie intérieure. Mais son apostolat le poussera à être exemplaire, à donner du Christ une image attrayante.

Au fond, ce sont des moyens simples. La sainteté est exigeante, mais elle est effectivement à la portée de tous.

Silvestre BAUDRILLART

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