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Réveil

jeudi 24 avril 2014, par Silvestre Baudrillart

  • Arrière de moi vains mensonges,
  • Veillants et agréables songes,
  • Laissez-moi, que je dorme en paix :
  • Car bien que vous soyez frivoles,
  • C’est de vous qu’on vient aux paroles,
  • Et des paroles aux effets.
  • Voyez au jardin les pensées
  • De trois violets nuancées,
  • Du fond rayonne un beau soleil :
  • Voilà bien des miennes l’image,
  • Sans odeur, sans fruit, sans usage,
  • Et ne plaisent qu’un jour à l’oeil ;
  • Ce n’est qu’Amour en l’apparence,
  • Ce n’est qu’une verte espérance,
  • Que rayons et vives clartés :
  • Mais cette espérance est trop vaine,
  • Ce plaisir ne produit que peine,
  • Et ses rayons obscurités.
  • Mes désirs s’envolent sans cesse
  • De la fureur à la finesse,
  • Le milieu est des coeurs bénins :
  • On peint la Chimère de même,
  • On lui donne à ses deux extrêmes
  • Ou les lions, ou les venins.
  • Ce qui se digère par l’homme
  • Se fait puant ; voyez-vous comme
  • C’est un dangereux animal,
  • Changeant le bien en son contraire :
  • Car ce qui est vain à bien faire,
  • Ne l’est pas à faire du mal.

Théodore AGRIPPA D’AUBIGNÉ (1552-1630)